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1. EXT / JOUR - QUARTIER
Un jeune homme, GUILLAUME, les cheveux bruns, les yeux
bleus, vingt-deux ans, traverse une rue en courant. C'est le début de
la journée, le ciel est bleu, presque dénué de nuages. Il fait son footing,
porte un t-shirt bleu et un jogging, commence à s'essouffler. Il court
dans un quartier résidentiel. Les obstacles se multiplient sur sa route :
il évite en les contournant un facteur, CHRISTOPHE, vingt-six ans, qui
se dispute une lettre avec une vieille dame. Il croise quelques ouvriers
travaillant dans une fosse et passe à côté d’une poussette en esquivant
de justesse la mère de l’enfant, portant des courses. Il ralentit, arrive
devant une maison, passe le portail et, s’arrête dans le jardin. Se
penchant sur ses jambes, il effectue quelques étirements, l'air pensif,
puis marche jusqu'à la porte, l’ouvre et rentre à l’intérieur de la
maison.
2. INT / JOUR - MAISON
Guillaume referme la porte, sur laquelle il reste appuyé
un instant. Il passe le couloir, voit son grand-père, JONATHAN, homme
aux cheveux grisonnants de plus de soixante-dix ans, en train de s’affairer
à côté d’une grande bibliothèque pour en ressortir de vieilles boîtes
en fer. Guillaume monte les escaliers et entre dans la salle de bain,
dont il referme la porte après son passage. Au rez-de-chaussée, Jonathan
se redresse, deux grosses boîtes dans les mains et les porte jusqu’à
la table du salon, où reposent déjà plusieurs albums photos ouverts
et quelques photos étalées en vrac. Il s'assoit et ouvre les boîtes
en prenant mille précautions. L’une contient d’autres photos datant
de plusieurs dizaines d’années, l’autre renferme des lettres manuscrites.
C’est de ces dernières qu’il se saisit, un discret sourire illuminant
son visage. Il prend ses lunettes qui étaient posées sur la table, les
regarde, songeur, puis les repose un peu plus loin. Il déplie une lettre,
l’émotion se lisant dans ses yeux, et se met à la lire. Jonathan entend
soudain le bruit du verrou à l'étage et cache un document médical, portant
la mention « cardiologie », qui était posé au milieu des photos.
Au second étage, la porte s’ouvre, Guillaume s’est changé, il porte
maintenant un jean et un t-shirt noir, une serviette sur les épaules,
il descend les marches en terminant de s’essuyer les cheveux. Il passe
au salon et rejoint son grand-père.
Guillaume Qu'est-ce que tu fais ?
Jonathan Je fais du rangement.
Guillaume Ça t'a prit ce matin ?
Jonathan Oui. Comme toi de courir. Tu
as couru longtemps d'ailleurs, non ?
Guillaume regarde sa montre.
Guillaume Exact. Presque deux heures.
J'en avais besoin. Qu'est-ce que tu ranges ?
Jonathan lève la main et fait un geste évasif.
Jonathan De vieux papiers... De vieilles
photos...
Guillaume De vieux souvenirs quoi. C'est
mami ?
Du doigt, Guillaume désigne une vieille photo usée
par le temps sur laquelle on distingue un jeune couple. Jonathan sourit
et prend la photo dans sa main.
Jonathan Oui, c'est elle. C'est juste
avant la naissance de ta mère... On avait encore plein de projets...
Guillaume (souriant) Qu'est-ce qui a changé avec
la naissance de maman ?
Jonathan (bourru) Rien, rien du tout...
Guillaume Mais vous avez dû faire des
sacrifices.
Jonathan reste muet. Il pose la photo sur un des albums,
prend un morceau de papier qu'il place à côté. Il saisit un stylo, s'apprête
à écrire quelque chose mais s'interrompt, le stylo à quelques centimètres
de la feuille. Il se tourne vers son petit-fils, faisant manifestement
appel à un souvenir lointain avec difficulté.
Jonathan Elle... Elle voulait voir la
mer. C'était... On devait aller voir la mer. C'est bête mais elle ne
l'avait jamais vu...
Jonathan sourit et ferme les yeux. Guillaume observe
un moment de silence respectueux.
Guillaume Et vous êtes allés voir la
mer pour finir ?
Jonathan Non, jamais... Elle est morte
avant... Tu sais comment c'est. Ça vous prend sans vous demander votre
avis...
Il retourne à son ouvrage. Guillaume regarde Jonathan
ranger avec soins les photos dans les différents albums. Il reste immobile,
fixant une feuille sur laquelle sont maladroitement dessinées quelques
étoiles, posée sur la table, puis reprend ses esprits et retourne dans
le couloir. Il pose la serviette sur la rampe de l’escalier, met une
veste, retourne dans le salon.
Guillaume Je sors... Je reviendrais pour
midi.
Jonathan hoche la tête d'un air absent et regarde partir
son petit-fils dans le couloir, entend claquer la porte, puis s’avance
jusqu’à la fenêtre pour le voir s’éloigner dans la rue, d’un pas tranquille.
Il revient vers la table, s’appuie sur le dossier de la chaise qu’il
occupait précédemment et porte sa main à son visage.
3. EXT / JOUR
- RUE
Guillaume marche dans la rue et ralenti sa marche en
arrivant devant la porte d'un immeuble. Il s'avance jusqu'aux sonnettes
et appuie sur l'une d'elles. Il attend qu'on lui réponde, mais l'interphone
reste muet, la porte ne s'ouvre pas. Il sonne une nouvelle fois, sans
avoir plus de chance, et s'impatiente. Il essaie d'ouvrir la porte,
mais celle-ci résiste, s'éloigne de quelques pas de la porte de l'immeuble
pour lever les yeux vers une fenêtre du troisième étage. Il marmonne
quelques mots, regarde sa montre. Une jeune fille, LEONOR, brune, une
vingtaine d’année, sort de l'immeuble et ferme machinalement la porte
derrière elle. Guillaume la regarde, hésite, puis s'avance vers elle.
Guillaume Excuse-moi, tu pourrais m'ouvrir
la porte s'il te plaît ? Je dois voir quelqu'un mais elle n'ouvre pas
la porte...
Léonor Si elle ne t'ouvre pas, c'est
sûrement pour une bonne raison.
Laissant Guillaume bafouiller, Léonor s'éloigne en
pressant le pas. Guillaume la regarde partir, observe autour de lui
et pose les yeux sur la porte de l'immeuble. Il soupire et se remet
à marcher.
4. INT / JOUR
- BAR
Le bar est plongé dans la pénombre malgré la lumière
éclatante qui règne à l’extérieur. Guillaume pousse la porte et entre,
regardant derrière lui, comme s’il venait de croiser quelqu’un qu’il
connaissait. Il rentre, l’air soucieux, et s'assoit au bar, sur un tabouret.
Le barman, Christophe, apparaît et se dirige vers lui. Ils se serrent
la main.
Guillaume Quoi de neuf ?
Christophe fait un geste de dénégation et hausse les
épaules. Le barman lui sert un café et disparaît par une porte. Guillaume
retire sa veste, la pose sur le tabouret à côté de lui et retire un
livre de la poche intérieur, Ulysses, de James Joyce. Il prend le sucre
posé à côté de la tasse et en retire l’emballage, le trempe dans son
café et le croque. Il ouvre son livre, retire la feuille séchée lui
servant de marque page et se met à lire. Il est plongé dans sa lecture
et reçoit soudain un morceau de carton dans la nuque. Guillaume se retourne,
se masse la nuque d’une main et se baisse pour ramasser un dessous de
verre de l’autre. Son regard fait le tour du bar. Il est vide, à part
une table, situé tout au fond, dans l’endroit le plus sombre, qui est
occupée. Il pose son livre de façon à ne pas perdre sa page et s’avance
vers la table en question, sa tasse à la main. Elle est occupée par
un jeune homme de vingt et un ans,
LUCAS, les cheveux et les vêtements noirs, portant des lunettes
de soleil noires, opaques. Il boit un peu de la bière que contient son
verre puis le repose tranquillement. Guillaume lance le dessous de verre
sur la table.
Guillaume Ça t'arrive souvent de lancer
des trucs dans la tête des gens ?
Lucas C'est à moi que tu parles ?
Guillaume (incrédule) A qui d'autre ?
Lucas (curieux) Tu me parles depuis quand exactement
?
Guillaume pose sa tasse, s'assoit à la table, intrigué.
Il passe sa main devant les yeux de Lucas, fait de grands gestes mais
celui-ci garde son air calme, ne montre aucune réaction et regarde droit
devant lui, imperturbable.
Guillaume Dis... Tu sais qu'il n'y a
que toi ici ?
Lucas C'est à moi que tu as dit « quoi
de neuf » en entrant ?
Guillaume Non, c'est au barman.
Lucas C'est lui qui t'a lancé quelque
chose à la tête ?
Guillaume Ce n'est pas toi ?
Lucas soupire et tend une main, droit devant lui, loin
de Guillaume. Celui-ci la regarde sans comprendre, ramasse le dessous
de verre et le met dans la main de Lucas. Il le lance dans la pièce
mais le morceau de carton tombe misérablement par terre.
Guillaume Je vois.
Lucas Je m'appelle Lucas.
Lucas tend la main à nouveau, pour serrer celle de
Guillaume. Celui-ci fait de même mais Lucas, n’ayant trouvé aucun contact
a tendu sa main d'un autre côté dans l'espoir d'avoir plus de succès.
Guillaume Moi, c'est Guillaume.
Guillaume attrape des deux mains celle de Lucas pour
l'empêcher de bouger et lui serre enfin. Lucas sourit, secoue légèrement
la tête et soupire.
Guillaume Désolé de ne pas avoir compris
tout de suite...
Lucas Pas grave. Ça m'arrive souvent.
Guillaume Ce n'est pas trop difficile
à vivre ?
Lucas Pourquoi tu me demandes ça
?
Guillaume Je ne sais pas... Si ça m'arrivait,
je ne sais pas ce que je ferais.
Lucas Explique-toi. Qu'est-ce que
tu ferais si tu étais aveugle ?
Guillaume, qui avait porté sa tasse à ses lèvres, est
soudain prit d'une quinte de toux, lui faisant renverser un peu de café.
Guillaume (gêné) Je... Je crois que je ne pourrais
pas continuer à vivre... Il y a trop de choses dans ma vie qui dépendent
de la vue.
Lucas Selon toi, je ferais mieux
de me jeter sous un bus tout de suite ?
Guillaume (mal à l'aise) Non ! Pas du tout ! Mais...
Lucas C'est bon, j'ai compris. Il
y a des choses que tu peux faire et pas moi.
Guillaume hoche la tête d'un air désolé.
Guillaume Tu ne regrettes pas ce que
tu pouvais faire quand tu pouvais encore... voir ?
Lucas Je n'y pense pas. Si je me
mets à penser au passé... Quand tu deviens aveugle, tu dois faire le
deuil de ta vie... De quand tu pouvais voir. Pas seulement si tu deviens
aveugle d'ailleurs.
Guillaume Quoi ?
Lucas Je veux dire... Que tu sois
aveugle ou non, tu ne dois pas rester focaliser sur le passé.
Guillaume regarde fixement Lucas et écarquille les
yeux, comme s’il venait soudainement de se souvenir de quelque chose
d’essentiel. Lucas fait mine d'écouter plus attentivement puis tend
ses mains pour le chercher.
Lucas Tu es toujours là ?
Guillaume Euh, oui... Excuse-moi, j'ai...
Je viens de me rendre compte que j'ai quelque chose d'important à faire...
Lucas écoute s’éloigner son interlocuteur en finissant
sa bière. Guillaume revient à sa place, prend sa veste d’un geste vif,
l’enfile, prend son livre, ce qui fait glisser la feuille morte qui
reposait encore à côté sur le sol. Il se dirige vers la porte, l’ouvre
et sort, éclairant une dernière fois le bar de la lumière du dehors.
Il regarde à droite, à gauche, puis disparaît. Lucas époussette ses
vêtements, et sort un dessous de verre de sa poche en souriant diaboliquement.
Lucas Faut vraiment être con pour
croire un inconnu dans un bar...
5. INT / JOUR - MAISON
Guillaume revient dans la rue dans laquelle il courrait
le matin-même, en marchant cette fois d’un pas rapide et décidé. Il
passe dans son jardin et rentre chez lui en laissant la porte ouverte.
Jonathan est toujours dans le salon mais a délaissé son rangement pour
s’asseoir dans un fauteuil et lire l’Odyssée, d’Homère, ses lunettes
sur le nez. Guillaume entre dans la pièce en souriant légèrement, l'air
peu sûr de lui.
Guillaume Qu'est-ce que tu ferais si
tu devenais aveugle ?
Jonathan pose ses lunettes sur la table qui jouxte
son fauteuil et regarde son petit-fils avec curiosité.
Jonathan C'est une question piège ?
Guillaume va jusqu'à l'armoire, en retire une des boîtes
de fer et l'emporte jusqu'à la table du salon. Jonathan se lève, l'air
inquiet. Guillaume ouvre la boîte, retire quelques photos puis sort
une feuille sur laquelle sont dessinées quelques étoiles. Il la montre
à son grand-père.
Jonathan Qu'est-ce que tu... ?
Guillaume chiffonne la feuille et la jette derrière
son épaule. Il sourit, retourne dans le couloir. Jonathan s’avance et
se met à chercher la feuille mais Guillaume revient et lance un manteau
et une échappe à son grand-père.
Guillaume (conspirateur) Enfiles ça ! Je t'emmène faire
une ballade !
Guillaume, fébrile et s’agitant dans tous les sens,
disparaît à nouveau dans le couloir tandis que Jonathan posa son livre
sur le côté pour lentement enfiler son écharpe.
Jonathan (grognon) Ça sort et ça rentre en coup
de vent, jamais là pour aider, mais dès que monsieur arrive, c'est carnaval...
Guillaume revient, voit que son grand-père n’a toujours
pas enfilé son manteau et s’avance pour l’aider.
Guillaume Pas encore prêt ?
Jonathan Tu pourrais au moins me dire
où nous allons ?
Guillaume (à mi-voix) Si je le savais...
Il l’aide à se lever, portant son manteau sous le bras,
et le pousse gentiment vers la sortie en prenant des clefs sur la table
du salon. Ils sortent de la maison, Guillaume ferme la porte, ouvre
la voiture et aide Jonathan à y monter. Il s’installe ensuite au volant,
jette le manteau à l’arrière et met le contact. La voiture se met à
rouler et ils disparaissent au bout de la route.
6. EXT / JOUR - PLAGE
La voiture arrive sur une route qui borde la plage
et se gare sur le parapet qui la surplombe. Quelques nuages couvrent
le ciel. La plage est pratiquement déserte, tout comme les rues. La
portière du conducteur s’ouvre, Guillaume descend de la voiture, en
fait le tour et ouvre la porte du passager pour aider son grand-père
à descendre. Guillaume claque la portière et s’éloigne en direction
du bord de la plage avec Jonathan. Accoudés à la balustrade, ils admirent
la plage, écoutent le bruit de la mer, profitent du vent frais.
Jonathan Dis…
Le dessin qui tu as jeté… Tu y tenais, non ?
Guillaume
(souriant) Beaucoup.
Jonathan tourne la tête vers le large, l’air perplexe.
Jonathan Je ne t'ai jamais dit comment
j'avais rencontré ta grand-mère ?
Guillaume se tourne vers son grand-père et fait « non »
de la tête.
Jonathan Tous les soirs, on se retrouvait
avec les copains au café du coin pour faire une partie de cartes, ou
juste pour discuter... La fille du patron avait à peu près notre âge
et on en profitait pour la taquiner un peu. Un jour, avec Arthur, on
a décidé de faire semblant de s'énerver pour qu'elle vienne nous parler
mais... Arthur a été un peu trop loin. Il a prit son verre pour, tu
sais, m'éclabousser. Ça n'est pas passé loin mais j'ai quand même réussi
à l'éviter... Mais pas la fille du patron, qui était juste derrière
moi. Elle avait le visage et les cheveux trempés, comme si elle venait
de sortir de la douche. Et elle était furieuse. Elle n'a rien dit, elle
a juste marché droit vers Arthur et lui a flanqué la plus belle claque
de sa vie ! J'ai éclaté de rire et là, elle s'est tourné vers moi, comme
si elle allait m'en mettre une aussi. Avant qu'elle ne me gifle, j'ai
prit sa main dans la mienne et je lui ai dit : je t'offre un verre ?
Les deux hommes se mettent à rire ensemble. Guillaume
continue à sourire tandis que Jonathan prend un air teinté à la fois de sérieux et de tristesse.
Jonathan Tu m'as demandé ce que je ferais
si j'étais aveugle... L'amour rend aveugle... J'ai été aveugle. Et j'ai
aimé.
Il pousse un long soupir tandis que Guillaume regarde
au large, un petit sourire aux lèvres. Jonathan porte soudain une main
à son épaule. Sur son visage se lit un rictus de douleur, ses yeux se
ferment et il s’écroule à terre. Guillaume essaie de le retenir sans
succès et s’affole.
Guillaume Grand-père !
Il s’accroupit au côté de son grand-père, appelle à
l’aide, effrayé. Il essaye vaguement de le réanimer mais les yeux de
Jonathan reste invariablement clos.
7. EXT / JOUR - CIMETIERE
Le soleil est éclatant au-dessus de Guillaume. Il est
au milieu du cimetière, tout habillé de noir, devant la tombe de Jonathan.
Le cimetière est pratiquement désert, silencieux. Dans une allée, à
quelques pas de là, passe un homme, Christophe, poussant une brouette
chargée de quelques outils. Guillaume reste toujours immobile, les yeux
dans le vague, puis s’avance et dépose une boîte en fer sur la tombe.
Guillaume Tu lui diras comment c'était...
Inspirant un grand coup, il regarde vers le ciel puis
se met à marcher en direction de la sortie du cimetière, d’un pas lent,
comme s’il regrettait de partir. Un mouvement dans une allée parallèle
lui fait tourner la tête. Léonor, elle aussi habillée de noir à part
son écharpe, bleue et violette, marche vers la sortie. Tout en avançant,
Guillaume la regarde, puis regarde le sol devant lui, et sourit. Il
relève la tête, regarde au loin et voit à l’extérieur du cimetière Lucas,
en train de se promener. L’aveugle s’arrête à l’ombre d’un arbre, ôte
ses lunettes, tire un mouchoir de sa poche et entreprend de les nettoyer
avec, consciencieusement. Une jolie jeune fille, les cheveux noirs,
vingt ans, le croise et il se retourne à son passage, lui souriant.
Guillaume s’arrête, fronce les sourcils à la vue de ce non-voyant à
l'attitude déstabilisante. Un air de compréhension glisse sur son visage
et il tourne la tête vers Léonor, a du mal à la trouver, celle-ci s’étant
baissée pour refaire son lacet. En la voyant se redresser, Guillaume
se met à courir et à traverser le cimetière jusqu’à arriver à sa hauteur
et se remettre à marcher normalement, à côté d’elle.
Guillaume (enjoué) Salut ! Tu te souviens de moi ?
Léonor ne lui adresse même pas un regard, elle continue
de marcher vers la sortie, concentrée.
Guillaume D'accord... Tu viens souvent
ici ?
Léonor Juste pour voir mes parents.
Guillaume (grimaçant) Ah... Hum... ça te dit d'aller
boire un café ?
Léonor (dans la lune) Boire un café ? Pour quoi faire
?
Guillaume (déstabilisé) Euh... Pour... Pour parler
?
Léonor Pour parler de quoi ?
Guillaume De... De ce qu'on est, de ce
qu'on aime.
Léonor Ça devrait aller vite... Autre
chose ?
Guillaume Euh... On peut parler de tous
les mots monosyllabiques se terminant par « ou ».
Léonor C'est un sujet de conversation
?
Guillaume Possible... On peut parler
de ce qui est mou, de l'invention de la roue, de l'appétit des loups,
de ceux qui sont fous, de nous... De tout, quoi.
Léonor
s'arrête, tourne enfin la tête vers lui et sourit.
Léonor Je ne voudrais pas être trop
dure mais... Qu'est-ce qui te fait croire qu'on a quelque chose à faire
ensemble ?
Guillaume Je t'ai juste invité à boire
un verre, je ne t'ai pas demandé en mariage.
Léonor (songeuse) D'accord... Tu connais le Bar
de l'écho ? Retrouves-y moi à... Disons cinq heures ?
Elle fait volte-face, s’éloigne et disparaît en tournant
au coin de la rue. Guillaume la regarde partir, incapable de bouger,
souriant largement.
8. EXT / JOUR - RUE
Guillaume apparaît au coin de la rue, il marche tranquillement.
La rue est vide. Guillaume regarde autour de lui, l’air heureux. La
rue est soudain pleine d’une foule compacte qui marche dans tous les
sens tout en allant à l’encontre de Guillaume et celui-ci peine à la
traverser. Mais la foule reste silencieuse, comme Guillaume.
Guillaume (Off) C'est le premier jour du reste
de votre vie... N'importe quoi. C'est le premier jour de ma vie. On
verra bien ce qu'il me réserve.
Son grand-père, Christophe, Lucas, Léonor le croisent
successivement sans s’arrêter.
Jonathan (Off) On doit profiter de chaque
jour, avant qu'il ne se termine.
Lucas (Off) C'est ce que j'essai de lui
faire comprendre depuis le début.
Christophe Ce type, là, c'est un héros.
Léonor (Off) Et il ne sait ni où il va,
ni où ça le mènera. Qu'est-ce qu'il fait ?
La foule se fait peu à peu moins dense et la rue redevient
vide, à part Guillaume. Des voix se font entendre au fur et à mesure
qu'il avance, de plus en plus fort, ce qui ne l'étonne pas. Il fait
encore quelques pas et s’arrête devant un bar. Le brouhaha s'interrompt.
Un vélo de la poste est posé contre la façade du bar. Guillaume se retourne
avant d’entrer.
Guillaume Je commence...
Guillaume sort des lunettes de soleil de la poche de sa veste, les mets, rentre dans le café et rejoint Léonor, assise à une table.
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